« Le Monde n’existe pas » de Fabrice Humbert

Je referme à l’instant Le Monde n’existe pas de Fabrice Humbert, publié chez Gallimard en 2020. Quelle histoire ! Il me faut en parler. 

« Lorsque Adam Vollmann, journaliste au New Yorker, voit s’afficher un soir sur les écrans de Times Square le portrait d’un homme recherché de tous, il le reconnaît aussitôt : il s’agit d’Ethan Shaw. Le bel Ethan, qui vingt ans auparavant était la star du lycée et son seul ami, est accusé d’avoir violé et tué une jeune Mexicaine. Refusant de croire à sa culpabilité, Adam retourne à Drysden, où ils se sont connus, pour mener l’enquête. Mais à mesure qu’il se confronte au passé, toutes ses certitudes vacillent… »

Le Monde n’existe pas est un récit du vrai et du faux ; du vrai ou du faux ; du vrai contre le faux. Tout au long de l’intrigue, le réel se mêle au factice. Le flou grandit à mesure que l’on avance dans la lecture. La vérité se fond progressivement au mensonge. Au-delà des certitudes du narrateur qui vacillent, ce sont les nôtres, en tant que lecteurs et lectrices, qui sont mises à mal. 

Car dans cet ouvrage, il y a plusieurs niveaux, plusieurs strates de vérité et de mensonge. D’une part, Adam Vollmann, dont on suit le cheminement mental, interroge le monde dans lequel il évolue. Le gouvernement des États-Unis aurait-il pu créer une telle histoire de toute pièce, mettre en scène un meurtre, choisir un innocent comme bouc émissaire ? Et plus largement, tout ce que nous vivons ne serait-il pas le fruit d’un complot à grande échelle ? Ce que l’on prend pour « réel » pourrait-il être une supercherie ? une illusion ? C’est en tout cas la théorie développée par le narrateur.
Mais quelle fiabilité attribuer à ce personnage ? Quelle est la part de lucidité et de délire dans sa narration ? En achevant la lecture, je me pose cette question. C’est le but. Un récit sur le mensonge pourrait-il en être un lui-même ? 

Impossible, donc, de démêler le vrai du faux dans cette histoire. Quelle est la frontière qui les sépare ? Cela ne tient à rien. L’entrelacs qui en résulte – cet agglomérat indissociable de vérités et de mensonges – provoque un vertige métaphysique chez le lecteur. En cela, j’ai trouvé ce roman vertigineux

L’écriture est belle, riche et précise. Entre essai et roman noir, cette lecture m’a fait l’effet d’un page-turner, car elle m’a beaucoup parlé. J’y ai retrouvé mes interrogations et mes angoisses, parfaitement couchées sur papier, dans des phrases justes et saisissantes

« Comment font les gens ? Comment pouvons-nous savoir que les choses existent vraiment ? Comment distinguer le virtuel du réel, pour reprendre des mots usés ? Comment sait-on que ce qui est est ? Quel point fixe nous permet de discriminer le vrai du faux ? À ce stade de mon enquête, tout se trouble à un point tel que je pourrais aussi bien rêver les événements. Le rêve et la folie comme envers du réel. Et pourtant je sais bien que je ne rêve pas, que je ne suis pas fou. Il faut bien que je m’accroche à cette certitude-là parce que, dans un monde paranoïaque par nature – un monde capable de créer une réalité fausse comme le nôtre est forcément paranoïaque –, la certitude tient de la volonté. » 

S’il faut retenir une vérité de ce livre, c’est bien celle-ci. 

Si vous souhaitez découvrir le livre, voici la page que l’éditeur lui a consacrée.

En vous souhaitant une bonne lecture ! 


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