« Les Vestiges du jour » de Kazuo Ishiguro

Résultat de recherche d'images pour "vestiges du jour kazuo"Après Frankenstein de Mary Shelley, c’est Les Vestiges du jour (The Remains of the Day) de Kazuo Ishiguro qu’il m’a fallu lire dans le cadre de mon cursus universitaire. Publié en 1989, il reçut la même année le « Booker Prize », un prix récompensant la meilleure fiction anglophone de l’année.

Je découvre donc cet auteur britannique avec plaisir et enthousiasme. Notez au passage que le romancier a également reçu en 2017 le Prix Nobel de la littérature pour l’ensemble de son œuvre. Un véritable prestige !

Entrons à présent dans le vif du sujet avec le résumé des Vestiges du jour (éditions Gallimard) :

« Les grands majordomes sont grands parce qu’ils ont la capacité d’habiter leur rôle professionnel, et de l’habiter autant que faire se peut ; ils ne se laissent pas ébranler par les événements extérieurs, fussent-ils surprenants, alarmants ou offensants. Ils portent leur professionnalisme comme un homme bien élevé porte son costume. C’est, je l’ai dit, une question de “dignité”. »
Stevens a passé sa vie à servir les autres, majordome pendant les années 1930 de l’influent Lord Darlington puis d’un riche Américain. Les temps ont changé et il n’est plus certain de satisfaire son employeur. Jusqu’à ce qu’il parte en voyage vers Miss Kenton, l’ancienne gouvernante qu’il aurait pu aimer, et songe face à la campagne anglaise au sens de sa loyauté et de ses choix passés…

Un majordome dans une grande maison anglaise des années 1930 ? Dit comme ça, l’intrigue ne semble pas vraiment palpitante et cela inquiète celles et ceux en quête d’action. Toutefois, la façon dont l’histoire est narrée par le narrateur-personnage est si agréable que l’histoire en devient captivante.

En effet, Stevens — le majordome — est l’unique narrateur du roman. C’est à travers lui que l’on voit et que l’on entend tout. Rien d’objectif, donc. C’est en cela que réside tout l’intérêt du roman (j’y viens !). Retenez en tout cas que si le cadre de l’histoire ne promet rien de sensationnel au premier abord, le roman n’en est pas moins prenant.

Ainsi, j’écrivais à l’instant que la subjectivité du narrateur était au cœur de l’intrigue. Nous sommes en 1956, Stevens est à présent au service de Mr Farraday qui a racheté la demeure de Lord Darlington, le précédent employeur de Stevens. Cependant, le majordome ne parvient pas à s’ancrer dans le présent ; au lieu de cela, il ressasse constamment le passé. Ce passé prend diverses formes : tantôt des souvenirs de personnes parties depuis longtemps, tantôt des anecdotes de l’entre-deux-guerres.

Le récit s’étend sur une période de six jours, c’est-à-dire la durée du voyage que fait Stevens afin de rejoindre Mrs Kenton, ex-gouvernante et auteure d’une lettre qui, récemment, a fait resurgir chez le majordome un florilège de souvenirs. Depuis la réception de ladite lettre, Stevens est plus que jamais obnubilé par le passé au point de s’effacer du moment présent. Le moindre incident lui rappelle un épisode du temps révolu. Ainsi, Stevens digresse sans cesse, il tisse une toile d’anecdotes qui, on le comprend au fil des pages, forme un ensemble cohérent. On comprend alors progressivement que le portrait que Stevens fait de son ancien maître est totalement dépourvu d’objectivité et que derrière le récit édulcoré du majordome se cache une réalité bien moins reluisante qu’elle y paraît.

Stevens est l’archétype du « narrateur non fiable » (« unreliable character » en anglais) et le lecteur le comprend tôt au tard. Vous préciser cela n’altérera pas votre lecture si jamais vous comptez lire Les Vestiges du jour car cette caractéristique du récit paraît évidente dès les premiers chapitres du roman. L’important est la manière dont le narrateur traite et déforme les évènements du passé. De plus, malgré la carapace qui rend le majordome hermétique à tout émoi lorsqu’il est en service, nous pouvons percevoir plus ou moins distinctement ses émotions, ses inquiétudes et ses envies à condition de lire entre les lignes. Cela confère à ce récit globalement froid une once de chaleur qui s’avère touchante pourvu qu’on la saisisse…

Le style de l’auteur est un pur bonheur. En lisant Les Vestiges du jour, vous aurez véritablement l’impression de lire le compte-rendu authentique d’un majordome de la première moitié du XXème siècle. Si vous êtes habitué·e à lire en anglais, vous pouvez sans souci vous procurer le roman dans sa version originale. L’expression est extrêmement fluide et vous ne devriez pas rencontrer de problèmes de compréhension majeurs. Autrement, j’imagine que la traduction française rend très bien le style de Kazuo Ishiguro.

Je suis très impatient de lire les autres romans de cet auteur qui est pour moi une découverte formidable. Décidément, les œuvres au programme de mon cursus cette année auront été de bonnes surprises !

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Si vous comptez lire ce livre dans sa version originale, je vous conseille l’édition que je possède et que vous pourrez commander ici, entre autres. Pour la version française, il me semble correct de vous recommander la collection Folio. Pensez aussi aux librairies ! Petites ou plus importantes, ne les oublions pas trop !

Et surtout, si vous vous décidez à lire ce livre, tenez-moi au courant : votre avis m’intéresse !

 


 


3 réflexions sur “« Les Vestiges du jour » de Kazuo Ishiguro

  1. Moi j’ai lu « Auprès de moi toujours » de cet auteur et ce livre m’a laissé un étrange sentiment mais pas du tout mauvais cependant ! Du coup ça me tente bien de lire « Les Vestiges du jour », histoire de voir la plume de l’auteur dans un autre de ses ouvrages…

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