Derrière le voile de la déréalisation

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« Ma vie derrière le voile… de la déréalisation ». Il s’agit là du titre d’origine de ce blog qui a inspiré celui de cet article. Pour la petite histoire, je m’étais inscrit sur WordPress avec en tête l’idée de rassembler mes connaissances ainsi que mes pensées sur ces troubles que sont la déréalisation et la dépersonnalisation afin d’aider à ma façon les personnes qui en souffrent. Il est vrai qu’il est difficile d’être compris•e lorsque nous vivons la déréalisation/dépersonnalisation au quotidien, et j’avais en tête, en créant le site d’origine, d’allier explications, raisonnements, et discussions, afin de favoriser l’acceptation de ces troubles et de rassurer les nombreuses personnes concernées.

Mais que sont exactement la dépersonnalisation et la déréalisation ? Le problème est là : les sensations que ces troubles provoquent sont si particulières qu’elles demeurent difficiles à décrire. Je vais tout de même tenter d’expliquer de quoi il s’agit aux personnes qui n’en auraient jamais entendu parler.

  • La déréalisation est une sensation d’étrangeté, d’irréalité face au monde qui nous entoure. Il y a comme un « voile » devant nos yeux, entre nous et le monde — d’où le titre de cet article. Souvent, les personnes ayant ces sensations disent avoir l’impression de visionner un film. Ainsi, nous remettons tout ce qui est autour de nous en question : pourquoi ceci est comme ça ? pourquoi cela est ici ? pourquoi suis-je là en ce moment ? Des questions d’ordre métaphysique nous occupent constamment l’esprit, nous oppressent, et le fait de ne pas pouvoir expliquer certaines choses du quotidien accentue cette sensation d’irréalité.

Voici un exemple concret : la notion d’infini est difficile à concevoir, et particulièrement lorsqu’elle touche au temps et à l’espace. En effet, il n’est pas facile de concevoir que l’univers a « toujours » existé et existera « toujours » (explication un peu simpliste, pardonnez-moi…), et qu’il en est de même pour le temps qui passe et qui ne cessera « jamais » de s’écouler. Cela, chacun·e y a déjà pensé au moins une fois dans sa vie, et l’on est forcément dépassé·e par ce type de réflexion puisqu’on ne lui trouve pas d’explications. Mais lorsque l’on souffre de déréalisation, cette absence d’explications nous amène à penser que la chose que l’on ne peut pas expliquer est forcément irréelle, inexistante. Or, pour reprendre notre exemple, le cadre spacio temporel est celui au sein duquel nous évoluons, on ne peut rien concevoir sans lui puisque tout est inclus dans lui. Dès lors que l’on remet en question son existence, on remet forcément tout le reste — c’est-à-dire tout ce qui nous entoure — en question. C’est alors que l’on arrive à la question ultime : « est-ce que j’existe réellement ? » D’un point de vue extérieur, cela peut sembler saugrenu.

→ Pour résumer : déréalisation = remise en question de tout ce qui nous entoure (objets/monde/personnes).

  • La dépersonnalisation, elle, ne concerne pas ce qui nous entoure, mais elle nous concerne. Une personne dépersonnalisée peut par exemple passer du temps à regarder son reflet dans un miroir sans parvenir à associer son image à elle-même. En d’autres termes, il lui semble que son reflet ne lui correspond pas, elle ne se reconnaît pas vraiment. Elle se pose des questions comme : « pourquoi suis-je moi ? », « pourquoi suis-je ainsi ? », etc.

→ Pour résumer : dépersonnalisation = remise en question de sa propre personne.

Les troubles de dépersonnalisation et de déréalisation débutent le plus souvent suite à un choc émotionnel ou à une période particulièrement éprouvante psychologiquement. Notre travail, nos études, l’environnement dans lequel nous évoluons, nos relations, et bien d’autres facteurs peuvent être à l’origine de l’apparition de symptômes. Dans certains cas, la consommation de substances illicites peut provoquer ce sentiment de détachement de la réalité. Voici donc une raison supplémentaire de ne jamais avoir recours à ce type de consommation.

Afin d’illustrer mes propos, je vais donner l’exemple que je connais le mieux, puisqu’il s’agit de ma propre expérience. En effet, j’ai réussi à déterminer assez facilement les éléments qui ont été à l’origine de mes troubles, car l’apparition de mes symptômes de dépersonnalisation/déréalisation coïncide tout à fait avec un évènement majeur dans ma vie : en 2011, j’ai découvert que mon père entretenait une liaison extra-conjugale. Ce jour-là, évidemment, je suis tombé de haut et ce moment a marqué un tournant dans ma vie : un pilier majeur de mon enfance — l’un de mes deux parents — s’effondrait. Faire le récit de tout ce qui suivit cet évènement serait excessivement long et inutile. Pour résumer en quelques mots, je dirais que ma vie a diamétralement changé à partir de ce moment.

Mes premiers symptômes de dépersonnalisation/déréalisation sont apparus quelques semaines seulement après la découverte de la relation qu’entretenait mon père. Après réflexion, j’en ai déduit que cela est justifié : je venais de perdre tous mes repères et tout ce qui se passait à ce moment-là ne paraissait pas réel, voire pas imaginable. C’est ainsi que naquit un fardeau psychologique qui est encore présent cinq ans plus tard.

Comme je l’ai fait, essayez de comprendre quand et pourquoi sont apparues vos premières sensations d’irréalité. Avez-vous été victime d’un choc émotionnel ? Une rupture, un décès, une période dépressive, ou tout autre « coup dur » peuvent causer ces sensations. Déterminer leur origine est utile, car il est toujours rassurant de comprendre nos émotions afin de mieux les gérer.

Les troubles de dépersonnalisation et de déréalisation sont en fait un mécanisme d’autodéfense, une réaction naturelle de notre cerveau qui, à la suite d’évènements qui nous dépassent ou qui nous solicitent trop psychologiquement, veut « faire une pause » en se détachant de la réalité. C’est d’ailleurs pour cela que beaucoup de personnes souffrant de dépersonnalisation/déréalisation ressentent le besoin de dormir lorsqu’elles font une crise d’angoisse provoquée par ces troubles : le sommeil est le seul moment pendant lequel le cerveau a la paix et obtient le détachement nécessaire. Il faut aussi dire que ces crises d’angoisse sont extrêmement éprouvantes et encore une fois, je parle en toute connaissance de cause.

Une multitude d’articles et de discussions au sujet de la dépersonnalisation et de la déréalisation sont disponibles sur le net. Ils m’ont beaucoup aidé depuis 5 ans — et m’aident toujours — dans ma démarche de « guérison ». La compréhension de la source de ces troubles ainsi que le dialogue sont essentiels et constituent à mon avis la première étape dans un processus de guérison.

Ainsi, vous l’aurez compris, ces sensations d’irréalité que nous ressentons lorsque nous souffrons de dépersonnalisation/déréalisation ne sont que des réactions naturelles et c’est pour cela que l’on dit souvent qu’il est inutile de lutter contre elles. En sortant, en voyant des gens, et en vivant normalement, le retour à la normale est assuré, bien qu’il puisse parfois prendre du temps.

Ce qu’il faut comprendre et retenir, c’est que les nombreuses personnes souffrant de ces deux troubles ne sont en aucun cas folles, schizophrènes (on peut lire de ces sottises sur le net… !), ou autre, dans quels cas elles ne se rendraient certainement pas compte que quelque chose ne tourne pas rond. Au contraire, une personne souffrant de dépersonnalisation et/ou de déréalisation est parfaitement consciente — voire trop consciente — de l’existence de ses troubles. Elle y pense presque sans cesse, ce qui engendre un cercle vicieux. Malgré tout, ces sensations restent parfois très difficiles à gérer puisqu’elles ont tendance à provoquer des crises d’angoisse violentes. N’hésitez pas à en parler autour de vous ou à dialoguer avec des personnes ayant vécu ce genre d’expérience via des forums sur le net, en gardant en tête que des spécialistes sont aussi là pour vous aider à évacuer vos émotions et vos angoisses.


Pour approfondir :
Psy-coach.fr
Rercherche-clinique-psy.com



Source de l’image d’en-tête : photographie personnelle 


14 réflexions sur “Derrière le voile de la déréalisation

  1. Très intéressant ! Par contre, je n’ai pas bien compris la définition de dépersonnalisation, est-ce que tu pourrais l’expliquer plus en détails ? Personnellement, je me remets beaucoup en question, je suis focalisée sur des aspects de ma personnalité que j’aimerais changer parce qu’ils me donnent des difficultés au quotidien, mais je ne sais pas si ça entre vraiment dans la catégorie de dépersonnalisation.

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    1. Bonjour ! 🙂 Ce que tu décris n’est à priori pas de la dépersonnalisation.
      La dépersonnalisation, c’est l’impression de ne pas être la personne que tu vois dans le miroir. C’est aussi l’impression que tu es étrangère à toi-même, que c’est quelqu’un d’autre qui parle lorsque tu ouvres la bouche, etc. En fait, c’est un peu comme si tu agissais mais que tu avais l’impression que ce n’est pas toi qui agis. La dépersonnalisation est en fait difficile à expliquer (bien plus que la déréalisation). Je m’en rends compte en écrivant ce commentaire.

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      1. Bonjour Vincent, je te suis sur Twitter et je me souvenais avoir lu ton article il y a quelques temps déjà. Aujourd’hui, je suis venue le relire car je crois souffrir également de déréalisation/dépersonnalisation. J’aimerais pouvoir échangé par mail avec toi sur ce sujet, si cela ne te dérange pas, car ce que j’ai à dire est beaucoup trop long pour être posté en commentaire. En espérant que tu vois ce commentaire. Bonne journée ou bonne soirée à toi 🙂

        Aurélie

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    2. Je repense à une sensation que j’ai rencontrée dans le passé : je me souviens d’avoir été dans un état de grand stress lorsque j’ai réalisé un jour, en réfléchissant, que j’étais « prisonnier » de mon corps, que j’étais « condamné » à y rester « enfermé ». Je pense que cette sorte « claustrophobie » une autre conséquence de la dépersonnalisation.

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    3. Je crois que tu te remets simplement en question, comme beaucoup de gens le font. Peut-être que tu te remets justement TROP en question, comme moi d’ailleurs, mais c’est totalement indépendant de la dépersonnalisation à mon avis et je pense avoir raison sur ce point, bien que je ne sois pas un spécialiste du tout.
      Je pense que tu essayes de rendre ton quotidien plus « facile » en te conformant à ce que l’on attendrait de toi puisque dès lors que l’on agit conformément aux attentes des autres, nous rencontrons moins de difficultés dans notre vie quotidienne. Ceci dit, il n’est pas forcément recommandé de changer ses habitudes et sa façon de penser pour son entourage, au risque de ne plus être à l’aise avec soi-même. 🙂

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  2. Article intéressant! Je souffre également d’une déréalisation qui ne cesse de s’empirer depuis bientôt 1 an maintenant, serait-il possible de prendre contact ? J’aimerais bien connaître l’expérience d’autres personnes à ce sujet !

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  3. Bonjour,

    Je vouq remercie pour votre partage.

    Je m’aligne parfaitement avec votre témoignage.
    J’ai vécu plusieurs épisodes de dépersonnalisation/déréalisation.
    Le truc c’est que j’ai toujours du mal à revenir un etat normal à cause des flash back de cette expérience traumatisante..j’eprouve toujours cette impression que j’ai changé à jamais?
    J’angoisse souvent, et je me sens isolé à cause de ça?

    Si vous avez des pistes pour revenir à un etat normal j’en serai reconnaissant 🙂

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